Quand on voit la performance de la France entravée, on rêve de ce que serait capable d’offrir une France libérée !
L’édito du mardi 23 octobre 2012 sur atlantico.fr (http://m1p.fr/ozS) … qui risque de rester longtemps d’actualité !
- Jamais nous n’avons autant parlé de transition et jamais pourtant nous n’avons autant souffert d’inertie. C’est le paradoxe de la mutation: plus on tarde à la mettre en place en essayant de préserver le plus longtemps possible le confort d’un modèle obsolète, plus elle est douloureuse à amorcer et même difficile à imaginer.
- Notre classe politique est en déficit intellectuel. Car ne nous y trompons pas, ce ne sont pas “les affaires” qui créent le discrédit politique, mais l’incompétence chronique à proposer une vision et à mettre en place des solutions efficaces. Les affaires ne font que conforter l’opinion publique.
- Nous souffrons de surtaxation généralisée, tant pour les ménages que pour les entreprises, qui là aussi, tétanise l’envie, celle d’entreprendre, d’embaucher, d’investir, d’y croire tout simplement.
- Nous avons peut-être la classe politique la plus distante, pour ne pas dire hostile, disons relativement étrangère, au monde de l’entreprise, culturellement, et ceci malgré les bonnes intentions parfois affichées ;
- Préférant les matières « nobles » comme l’histoire, la littérature ou les mathématiques, nous délaissons les sciences économiques et disposons d’une inculture assez prononcée dans ce domaine (même si je pense que le bon sens économique de l’opinion est bien plus important que veulent bien le croire les « sachants »). Quoi qu’il en soit, il faut bien reconnaître que les débats économiques sont plus souvent des débats dogmatiques et partisans que rationnels et pragmatiques ;
- Etre rationnel et pragmatique justement est souvent considéré d’un ennui profond, assez peu élégant voire vulgaire ; On préfèrera les envolées lyriques et les pseudo-grandes théories macro sociales et économiques quand ce n’est pas tout simplement le propos populiste et démagogique qui fait mouche en 10 secondes, la durée devenue maitre étalon des débats et traitements médiatiques ;
- Le syndicalisme, qui ailleurs est paraît-il constructif, est par chez nous plus souvent autiste et caricatural de lui-même, ne réussissant pas à convaincre la grande majorité des salariés qu’il est censé “défendre” ;
- Le patronat lui rend souvent la monnaie de sa pièce, même si la dynamique d’écoute et de concertation est sans doute positive ;
- Nos entreprises ne sont pas aimées (les marques oui, les petites oui, l’entrepreneur de proximité oui, mais lorsqu’il s’agit de grande entreprise, surtout puissante et internationale, alors “l’entrepreneur” devient “patron” ; La lutte des classes est toujours aussi vive en France;
Nous jalousons la réussite que nous nous réjouissons de voir échouer ;
- Nous entretenons, depuis sans doute une prédominante éducation judéo-chrétienne, une certaine distance vis à vis de l’argent, sale même lorsqu’il est honnêtement gagné (d’ailleurs est-ce possible ? car les riches sont soit d’affreux rentiers fainéants, soit de sales « cons » comme dirait une certaine presse, soit « nouveaux » donc sans éducation) ;
- Nous avons un Etat omniprésent qui en devient omnipotent, et qui, en déni de la réalité, se rêve encore en Etat providence comme une vieille star nostalgique visionne ses succès d’antan ;
Nous sommes la population la plus pessimiste de la planète, irritée par ce monde qui réussit à vivre sans elle ;
- Nous sommes les champions du monde de l’analyse, des audits, des constats, des commissions, des “rapports parlementaires”, des débats et des diagnostics … lorsque d’autres se contentent de décider et d’avancer ; Finalement nous prétendons toujours savoir exactement ce qu’il faut faire, sans jamais le faire.
- Nous préférons chercher que trouver, et lorsque nous trouvons et inventons, nous laissons le soin aux autres de commercialiser nos géniales trouvailles (noblesse de la recherche vs vulgarité de la commercialisation) ;
- Nous sommes encore et toujours davantage séduits par l’idée des Lumières qui consiste à être généralistes et présents partout, dans tous les domaines, plutôt que spécialistes.
… et pourtant …
- Nous sommes – encore – la 5ème puissance économique mondiale ;
- Le monde entier envie nos chercheurs, ingénieurs, scientifiques ;
- Paris est la 4ème ville la plus attractive au monde (source PwC) ; Nous sommes d’ailleurs la première puissance touristique mondiale ;
- Nous souffrons bien sur d’une balance commerciale déficitaire, mais certains domaines comme le luxe, l’aéronautique, la gastronomie ou certaines hautes technologies sont non seulement exportateurs mais leaders ;
- Nous n’avons pas assez de grosses PME mais disposons d’une armada exceptionnelle de grands groupes mondiaux ;
- La jeunesse souffre de solitude et d’une conjoncture toujours plus morose, mais croit encore en la politique et dans sa capacité à refaire le monde ;
- Les entrepreneurs sont maltraités, mais les Français créent encore de nouvelles boites, autour de 550 000 par an (mais ça baisse) ;
- Nous sommes râleurs, avons une fiscalité changeante et un coût du travail peu compétitif, mais nous restons une terre d’investissements étrangers (longtemps première destination européenne) ;
- Notre système de santé nous coûte trop cher et doit être réformé, mais il soigne tout le monde, et est encore considéré comme le meilleur au monde, au point de générer du tourisme médical ;
- “Nos” jeunes startups cartonnent dans le numérique, le digital, la création au point de faire de la France le pays star du CES de Las Végas et de séduire … les fonds étrangers ;
Nous avons, plus au moins sans le savoir, un esprit extrêmement créatif (certains l’expliquent davantage par notre fibre critique et révolutionnaire davantage que par notre système éducatif) ;
- Nous avons un « art de vivre » et une « french touch » uniques au monde ;
- Des secteurs et des entreprises recrutent, innovent et proposent des perspectives, mais nous connaissons mal ces secteurs porteurs, par défaut d’exposition médiatique car, comme on sait “un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse” … alors on en parle pas de la forêt qui pousse … ;
Bien sur, la situation est difficile, alarmante, socialement dramatique pour beaucoup, mais cette France si lourdement entravée, qui a du mal à faire sa propre révolution culturelle pour s’adapter et « profiter » de ce nouveau monde, est évidemment toujours là. Et pourtant, La France roule avec le frein à main !
Cette France entravée est surtout profitable à nos concurrents. Mais lorsque l’on voit ce qu’elle est capable d’offrir sur la piste avec ses chaines aux pieds et sa camisole dogmatique et réglementaire, on rêve de ce qu’elle serait capable de donner libérée de ses chaines et carcans !!
Si la charge augmente encore, la course se ralentira, inévitablement, nous nous arrêterons tétanisés, asphyxiés et épuisés, nous finirons comme Tuttle (Robert de Niro) dans Brazil, disparaissant sous la paperasse !
Ce n’est pas la droite ou la gauche qui doivent se “décomplexer”, c’est la France toute entière, libérée de ses propres contraintes, censures et tabous.
Une France qui ne serait plus une France aux semelles de plomb mais telle que Verlaine surnommait Rimbaud, une France aux semelles de vent, conquérante et irrésistible.
Alain Renaudin
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