Pourquoi est-il si difficile de se renouveler politiquement et culturellement ?
L’époque des grandes crises, des grandes décisions, des grandes mutations, doit aussi être l’époque du renouveau, de la créativité, du rassemblement, de l’unité nationale, du “projet”. Ceci est valable tant au niveau national qu’européen. L’Europe devrait être à l’heure de la nation Europe, non plus pour préserver la paix mais pour bâtir un nouveau projet européen, non pour se substituer aux nations mais pour se mettre à leur service. Une unité d’intérêt, une solidarité raisonnée quand les ravages sociaux et économiques de la crise poussent chacun au repli nombriliste. Nous vivons une époque paradoxale, à la fois individualiste et profondément en quête de collectif.
Nicolas Sarkozy en 2007 appelait à la rupture, et appliqua l’ouverture suite à son élection. François Hollande en appela ensuite au « changement » pendant que François Bayrou et d’autres souhaitent éternellement une autre forme d’alternance que l’alternance traditionnelle gauche-droite. Tous ont raison sur le besoin de nouveauté. L’époque a besoin d’innover pour se réinventer, c’est vrai du point de vue industriel, énergétique, scientifique, managérial, technologique, c’est vrai également du point de vue politique.
Où est l’innovation politique ? Qu’il est difficile d’être innovant lorsque l’on croit avoir tout essayé. L’innovation politique est nécessaire, s’il est difficile de la trouver dans les idées lorsque celles-ci sont enfermées dans des silos, elle peut venir de l’état d’esprit, des attitudes, de l’ouverture, du télescopage.
Sans rentrer dans un quelconque parti pris, force est de constater que le clivage gauche-droite est peu productif et tout sauf innovant.
Le seul clivage dogmatique ne peut être constructif.
Le militantisme à outrance fixe des œillères à la pensée
Tout ce qu’a fait ou propose de faire l’autre est nécessairement mauvais. Certes, il est nécessaire, et même souhaitable d’avoir des convictions, et même très dommageable d’en manquer, mais celles-ci ne doivent pas être dogmatiques, populistes ou électoralistes. L’État doit être impartial lorsque la plupart ont la tentation de diriger un corps de hauts fonctionnaires aux couleurs de leur parti politique.
Oui, les hautes fonctions de l’État doivent se placer au dessus du militantisme partisan. La seule cause, le seul parti, doit être celui de la France.
Sans critiquer la personne, que je respecte, je souhaite à titre d’illustration revenir sur un tout petit épisode passé inaperçu (c’est là le drame) en novembre 2010, le 16 novembre pour être précis. Ce matin là, François Baroin est l’invité de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1. Nous sommes au lendemain d’un remaniement, et il occupe nouvellement, au delà de ses fonctions ministérielles, celle de porte-parole du gouvernement. D’entrée lors de l’interview, François Baroin se félicite d’un gouvernement au service de l’action du Président de la République … « Pour créer les conditions de sa victoire en 2012 » !
Et bien NON, Monsieur Baroin, le Gouvernement de la République française n’est pas un outil de campagne électorale, il n’est pas au service de la réélection du locataire de l’Élysée, il est dédié et concentré sur une seule mission, celle de servir la France et les Français. Cette phrase est lourde de sens, elle est passée inaperçue tant elle est rentrée dans les mœurs. Elle n’a même pas été relancée à chaud par Monsieur Elkabbach. D’ailleurs je ne sais pas ce qui est pire, asséner ce genre de propos sans même s’en rendre compte, ou les écouter sans rien dire.
Depuis cet épisode, et les campagnes successives me confortent dans ce point de vue, et même si cela peut relever du symbole, certains diront de l’utopie, une idée me taraude concernant les Ministres et éventuellement certaines très hautes fonctions de l’État, en fait deux idées :
1/ demander à ces personnalités publiques, au service du public, de s’engager publiquement et de façon formelle à servir l’Etat, d’une certaine manière à prêter serment.
2/ Dès lors qu’un ministre est nommé, et qu’il se place de fait au service de la France, il devrait démissionner de son parti politique.
Son parti devient la France, la seule cause qu’il doit servir objectivement, libéré de ses contingences partisanes, ce qui d’ailleurs pourrait être plus facile à vivre pour tout le monde. Une démarche à la fois simple et logique, mais aussi extraordinairement nouvelle et signifiante, qui nous libérerait des éternels conflits d’intérêt entre le service de la France et les servitudes de partis. Alors, chiche ?
Il faut se libérer pour innover, y compris de ses sirènes partisanes.
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Première édition: février 2012 / edito #51 sur atlantico
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