Pourquoi l’environnement a été mal vendu

Comment l’écologie a-t-elle été longtemps “mal vendue” aux Français…

Après s’être invitée à la présidentielle 2007 (charte Nicolas Hulot), l’écologie fût la grande perdante de la présidentielle 2012 et la grande absente en 2017. Mais surtout, pour l’instant sur ce début de siècle, l’écologie a été mal positionnée donc mal expliquée donc mal vendue. Les grands gagnants sont encore et toujours le communautarisme et la lutte des classes qui fait de la résistance. Cette idée qui consiste à s’opposer les uns aux autres face à des portions de croissance de plus en plus congrues qu’il faut bien se partager faute de réussir à les faire fructifier.

Autrement dit, nous n’avons pas – encore – réussi en ce début de siècle qui pourtant n’attend que ça, à nous mettre en mouvement collectif, à l’échelle d’une nation, de l’Europe et idéalement du monde, autour d’un nouveau projet, d’un nouveau modèle, qui pourrait, devrait, être celui d’une croissance plus vertueuse, socialement et écologiquement. Alors, faute de nouveau paradigme on se bat pour tenter de préserver l’ancien, en s’accusant les uns les autres de sa dégénérescence.

Ces appels à l’unité nationale, au rassemblement, existent pourtant, mais ils sont surtout des appels à se réunir derrière un bulletin. Des appels au rassemblement qui ne sont qu’éphémères et calculés, le temps d’un scrutin plutôt qu’un destin.

Durant la campagne 2012, EELV n’a pas eu le courage de ses convictions, préférant un accord pour les législatives, et peut-être un poste au gouvernement pour l’habile Cécile Duflot, plutôt que le soutien plein et entier de sa candidate. 

Et pourtant, l’enjeu écologique a été très bien perçu et identifié par l’opinion publique qui en a pleinement conscience, mais qui peine à y trouver une dynamique et des perspectives positives, faute d’éléments tangibles, alors aujourd’hui ce n’est pas sa priorité.

Objectivement, l’écologie a pour l’instant été mal vendue. La notoriété de la « marque » est désormais connue, mais on ne l’achète pas. Ceci pour plusieurs raisons :

  • Le discours reste à dominante anxiogène lorsqu’il devrait être positif et aspirationnel. Mais on ne peut pas apprendre à conduire en expliquant seulement qu’on va dans le mur, sans freins et dans le brouillard. D’autre part, nous vivons dans un monde, surtout vu de France, tellement inquiétant, qu’une angoisse de plus est inaudible, non souhaitable. Parlez-moi d’autre chose.
  • Lorsque le discours n’est pas anxiogène, il est moralisateur, donneur de leçons et culpabilisant. Nous n’avons envie d’entendre, ni des mauvaises nouvelles de plus, ni de leçons de conduite quand nous reprochons tant aux autres des comportements irresponsables, irrespectueux, individualistes et non éthiques. Alors si par malheur nous étions un peu cet autre que nous critiquons, nous préférons briser le miroir.
  • Le long terme c’est bien … mais c’est trop loin ! Nous souhaitons certes des projets d’ampleur, de long terme, stratégiques, mais nous attendons encore plus des mesures aux effets immédiats.
  • Le manque d’aspérités : même du point de vue du défouloir, l’écologie ne prend pas comme peuvent prendre la finance mondiale ou les grandes fortunes, pour ne pas dire les riches. Le problème écologique est en chacun d’entre nous, il en appelle à une forme de prise de conscience et de responsabilité individuelle. Alors condamner les grands pollueurs des océans à travers leurs plateformes pétrolières, ou des centres villes avec leur 4×4, alors là oui, c’est facile, c’est identifiable, c’est surtout soit « les puissants » soit « les autres ».

Même le candidat socialiste, relayé par EELV, n’évoquait la création d’emplois liée à l’abandon du nucléaire (pardon à la réduction de 75% à 50% qui n’est pas un abandon) qu’à travers les emplois liés au démantèlement des réacteurs ! (Une seule centrale est arrêtée, mais on démantèle 24 réacteurs sur 58). Créer de l’emploi en démolissant est exact, mais est-ce la façon la plus séduisante de parler de filière verte ? Ne serait-ce pas plus intéressant et enthousiasmant de parler plutôt de la façon dont ces 25% de source nucléaire en moins serait compensés par d’autres ressources renouvelables ? Quitte alors à aborder d’autres sujets qui fâchent auprès des élus et des associations locales par exemple, comme l’éolien terrestre, ou à évoquer dans un consensus national la montée en puissance des nouvelles énergies, comme ceci est d’ores et déjà engagé à travers les derniers appels d’offres sur l’éolien marin ou les engagements internationaux. Mais pour l’instant, faute d’énergies renouvelables, nous nous muons tous en « Mad Max ».

Politiquement ces enjeux sont difficiles à s’approprier à droite, car, au risque de simplifier, la droite est plutôt favorable à l’économie libérale, encadrée mais vertueuse, qui est elle-même perçue comme néfaste à l’environnement (exact en impact absolu, inexact en tendance).

Plus l’écologie se réconciliera avec l’économie (ces deux sphères sont de plus en plus perçues comme compatibles depuis déjà plusieurs années, à la fois par les consommateurs et les dirigeants), plus la droite sera légitime pour en parler, mais plus la gauche aura le sentiment d’en perdre le monopole, notamment le monopole dogmatique. Tant que l’écologie restera anti-libérale, pour ne pas dire pire, plus elle préservera des réserves, non pas naturelles mais électorales. L’écologie ne reste alors qu’une composante du mouvement socialiste, qui, faute de poids électoral conséquent, à tendance à tout juste la maintenir sous contrôle plutôt qu’à lui laisser prendre son envol. La gauche n’a donc aucun intérêt politique à une écologie forte, et la droite peine à trouver sa crédibilité sur ce terrain. On tourne en rond, et je ne suis pas sur que ce soit au profit de l’écologie justement.

Cette mutation écologique est pourtant en cours, à travers les entreprises, les villes, les produits, nos comportements, nos équipements plus respectueux et moins énergivores. Paradoxalement, comme toute mutation profonde elle passe inaperçu pour la génération qui la vit, un jour, j’espère, nous nous rendrons compte que nous avons grandi.