Chaque année, TIME magazine sort son classement annuel des 100 personnalités les plus influentes. Mais aujourd’hui nous sommes tous devenus influenceurs, chacun potentiellement leader d’opinion.
Nous vivons dans un monde interconnecté, basé sur l’échange, le partage d’avis et d’opinions dans une sorte de trafic infernal multidirectionnel, totalement anarchique dans lequel le dernier rapport du GIEC et le fait divers du coin de la rue se côtoie d’égal à égal (quand ce n’est pas le coin de la rue qui l’emporte). Chacun possède le pouvoir de s’exprimer, seul ou en groupe, et réciproquement de consulter et donc de se laisser influencer par les autres. Certains appellent ça le « contre-pouvoir » du consommateur, comme pour signifier qu’il fallait pouvoir s’opposer à des influenceurs présentés et vécus comme des manipulateurs.
Dans ce monde là, chez ces gens là (c’est-à-dire nous), on écoute davantage ses pairs que les instances dirigeantes ou institutionnelles. C’est le double effet de la défiance vis à vis des autorités de toutes sortes (prises en défaut de compétence, en déni de réalité et en flagrant délit d’individualisme) et des possibilités techniques des réseaux sociaux que s’est développé cette communication de pairs, ou disons horizontale. Une des plus flagrantes illustrations de cette confiance de pairs ces dernières années fut la grippe H1N1. Lorsque la pandémie s’est déclarée, le grand public a davantage consulté ses amis ou d’autres parents d’élèves que les médecins ou encore moins le ministère de la santé pour savoir s’il fallait se faire vacciner. On écoute aujourd’hui davantage d’autres consommateurs que la marque lorsqu’il faut choisir une voiture, une machine à laver ou un hôtel, on a davantage le réflexe d’interroger Google que son professeur, un site médical qu’un professionnel de santé. Nous vivons dans un monde où un micro trottoir de 5 personnes nous influence davantage qu’une enquête scientifique menée sur de longs mois. Internet et les réseaux sociaux n’ont rien inventé, mais ont considérablement amplifié nos discussions de comptoirs et ont fait de chacun d’entre nous des faiseurs d’opinion, des experts universels ayant des avis sur tout … enfin, comme disait Coluche, “surtout des avis”.
La communication doit faire sa révolution culturelle
Dans ce monde, l’autorité officielle n’est plus seule détentrice de l’information, car son « autorité » justement est souvent remise en cause. En matière de communication, on peut considérer que ce que la marque dit d’elle-même est souvent moins important que ce que le public dit de la marque. Les publics potentiellement réceptifs changent, devenus aussi bien récepteurs qu’émetteurs ils sont surtout davantage informés et exigeants, on les dit même souvent « sur-informés », comme s’ils l’étaient trop. Écouter chaque client, consommateur, usager, administré, électeur pour détecter les signaux faibles, qui feront, pour certains, les tendances et les projets de demain.
C’est pourquoi il est particulièrement important de sortir des dispositifs de communication descendants, unidirectionnels, à sens unique. Ces dispositifs ne sont plus crédibles (l’ont-ils été ?), et c’est une véritable révolution culturelle qui doit s’opérer, celle d’une communication qui doit passer du faire-valoir au faire-savoir, du discours aux actes, du monologue au dialogue, de la verticalité à l’horizontalité. Le prisme idéalisant, vantard, a vécu. Aujourd’hui le « courage » de la nouvelle façon de communiquer consiste à considérer que les faiblesses assumées renforceront la crédibilité des atouts, lorsque les faiblesses occultées – mais décodées par tous – réduisent les atouts à néant. Une communication sincère davantage que “transparente”.
Un équilibre doit alors être trouvé entre des influenceurs en besoin de reconquête de leadership respecté et attendu (dans le monde politique comme économique) et des populations aujourd’hui davantage disposées à écouter leurs pairs que leurs pères. Après l’arroseur arrosé, gare à l’influenceur influencé, qui par là même perd justement de son influence (une formule aux airs de Raffarinade que j’assume !), et à une opinion publique qui à force de tout remettre en cause ne fait plus confiance à personne sauf au premier venu démagogue et populiste.