Les chenilles deviennent bien des papillons

globe vert

General Motors, AIG, Arthur Andersen, Lehman Brothers, UBS … ces géants indestructibles, inaltérables et dominateurs ont disparu ou vacillent sur leur piédestal qu’ils ont oublié de rendre antisismique. Derrière la théorie de la nouvelle économie, qui prend de temps en temps des allures de quête du Graal, la nouvelle ère a pourtant déjà commencé. Dans une logique finalement basiquement Schumpétérienne, la nouvelle donne écologique, économique et sociale redistribue les cartes.

Assez médiocres prospectivistes hier, les dirigeants d’entreprise réalisent aujourd’hui très majoritairement que les leaders de demain sont ceux qui auront su intégrer ces nouveaux enjeux, notamment environnementaux, à leur business model1. Par souci d’éthique probablement, par impératif concurrentiel et compétitif certainement. 68% reconnaissent que « l’enjeu environnemental est un enjeu majeur pour préserver et augmenter les parts de marché et la rentabilité ». Bien au delà du scoutisme environnemental, nous sommes en train de passer au développement durable pragmatique et rationnel, le penser encore en philanthrope est une erreur, stratégique, managériale et de communication.

Nous vivons une époque en mutation, gare aux inertes

Eduqués à la raréfaction des ressources naturelles, à leur renchérissement, et à la nécessité de les préserver, résoudre l’équation de Brundtland est désormais perçu économiquement compatible, voire mieux, rentable, pour une majorité de l’opinion publique et des dirigeants. Après la pédagogie du pourquoi du début des années 2000, place est à la pédagogie du comment. Conscient du problème, le monde est en quête de solutions, qui ici ou là sont déjà en route. Nous vivons une époque en mutation, gare aux inertes.

Contrairement aux apparences, la crise financière est l’accélérateur, mais non le déclencheur, de cette quête d’un nouvel ordre mondial ou d’un nouveau capitalisme. La tendance sous-jacente opérait depuis déjà quelques années. Le consommateur était déjà devenu citoyen, et la planète écologique était déjà en sur-régime avant la crise des subprimes. Des marchés comme l’automobile, l’énergie, l’eau, les transports, la propreté, les matériaux de construction sont en pleine mutation. Qui demain vendra une voiture non-électrique ? Qui se rémunérera exclusivement au volume consommé en eau ou électricité ? Quelle école ou Université se passera de son cursus développement durable ? Qui demain payera une éco-douane aux moteurs thermiques pour rentrer dans les villes ? Qui pourra ignorer un mouvement de gronde de l’opinion envers sa marque ? Qui vendra une maison non HQE ? Quel dirigeant acceptera des véhicules collaborateurs en malus écologique ? Quelle « star » ou personnalité prêtera son image et incarnera l’égérie d’une marque critiquable socialement ou écologiquement ? (Ou à l’instar de ces étudiants américains mobilisés depuis 1997 au sein de la « Sweat-Free Campus Campaign » pour demander aux marques qui fabriquent les vêtements à l’effigie de leur université de mieux respecter les droits des travailleurs). Les leaders de demain sont ceux d’aujourd’hui qui auront mués ou des entreprises challengers se positionnant d’emblée sur la résolution de cette équation dans la définition de leur business model.

Ce sont souvent les challengers qui révèlent d’autres possibles quand les leaders cherchent à pérenniser des positions établies

Comme souvent, ce sont les challengers, plus souples, qui bousculent les positions établies, parce qu’ils révèlent le domaine du possible face à des offres leaders qui s’imposaient par défaut d’alternatives. Rainett et l’Arbre Vert montrent que l’on peut être détergeant et précautionneux de l’environnement (et efficace). La Toyota Prius, la Bluecar ou cette fameuse Heuliez démontrent d’autres possibles. Solaire Direct ou la Compagnie du Vent remettent au goût du jour des technologies ancestrales. Pour un secteur comme le bâtiment, ces mutations sont riches d’opportunités. La Capeb (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment) a créé un label « éco-artisan » pour identifier les professionnels spécialement formés à la maîtrise énergétique. (Formation de 50.000 artisans sur deux ans). Jean Lardin, Président de la Capeb, en est convaincu « la maîtrise des énergies dans l’habitat, c’est avant tout une affaire d’économie de proximité, une réponse avec du « sur mesure ». C’est aussi un enjeu en matière d’aménagement du territoire »2. Les enjeux de la croissance verte permettront peut-être aux Français, et aux médias, de redécouvrir l’ampleur et la diversité du tissu économique au delà du périphérique boursier que représente souvent le CAC 40. 96% des entreprises françaises sont des TPE de moins de 20 salariés, qui représentent avec les PME de moins de 250 salariés les deux tiers de l’emploi en France. Si nous créons des «éco-artisans » en France, le Maire de Londres prévoit de créer une académie pour transformer les demandeurs d’emplois en conseillers énergétiques, Arnold Schwarzenegger l’a déjà fait le 17 mars dernier en créant « the California Green Corp », un bataillon de jeunes américains en échec scolaire qui seront formés à lutter contre le gaspillage énergétique et les pollutions, des villes comme Nice ou Aix en Provence ont déjà lancé leur « police verte » en 2008, …

Comme l’annonçait Paul Valéry, « le temps du monde fini commence ». Mais cette « croissance verte » dont beaucoup parlent est déjà une réalité pour bon nombre d’entreprises. La PME bretonne Armor-Lux, qui s’approvisionne en coton équitable labellisé Max Havelaar, remporte en 2008 le contrat du Ministère de l’Intérieur pour les uniformes des 110 000 policiers … après avoir déjà gagné la SNCF et Aéroports de Paris en 2007 pour la fabrication des nouvelles tenues de leurs personnels, et le contrat de La Poste en 2004 pour la gestion de l’habillement de ses agents. Un choix qui semble être devenu, allié à la qualité, un avantage concurrentiel ; Le café labellisé Max Havelaar, qui est acheté à des petits producteurs du Sud à un prix juste qui leur permet de rémunérer leur travail mais aussi de financer le développement local, est devenu la deuxième vente du rayon dès lors qu’il a été référencé chez Monoprix ; Le marché bio ne connaît pas la crise. Après une croissance de 10% par an de 1996 à 2005, le marché du bio se paye le luxe d’accélérer depuis trois ans sur la base d’une croissance de 20%4 ; C’est la compagnie Vectrix, qui produit des scooters électriques ZEV (Zero Emission Vehicle), qui fournit désormais le New York Police Department (le fameux NYPD) qui abandonne ainsi ses bonnes vieilles Harley Davidson, tout un symbole ; InterfaceFlor, spécialiste du sol modulaire, améliore sa rentabilité en réduisant son impact écologique. 30% à 50% de fibres recyclées (chutes de moquette), la capacité de mesurer l’impact environnemental de chaque produit, des centres de production alimentés à 100% en électricité verte, le recours accru aux fibres végétales, la compensation des émissions incompressibles avec Climate Care, lui procurent rentabilité et avantage concurrentiel ; Le numéro deux de la cosmétique derrière Unilever au Brésil s’appelle Natura, qui base toute sa stratégie sur une politique « carbone neutre » ; etc.

D’autres modèles existent. Comme le démontrent Sylvain Darnil et Mathieu le Roux dans leur livre « 80 hommes », une banque peut permettre aux trois quarts de ses clients de se sortir de l’extrême pauvreté tout en étant parfaitement rentable, un hôpital peut soigner gratuitement deux patients sur trois et faire des bénéfices, un entrepreneur de textile peut refuser les délocalisations et doubler son chiffre d’affaires tout en payant ses employés deux fois le salaire minimum. L’incarnation de ce nouveau paradigme s’appelle Muhammad Yunus. Le microcrédit qu’il a inventé concerne aujourd’hui plus de cent millions de familles. Ce que le Pr Yunus appelle le social-business pourrait profondément renouveler le capitalisme.

Cette filière de l’éco-économie représente selon les estimations aux alentours de 50 milliards en France, et emploie environ 500 000 personnes. Selon les prévisions de l’Ademe, autant d’emplois seraient créés ou préservés d’ici 2020. Ceci notamment dans les nouveaux équipements énergétiques (photovoltaïque, géothermie, pompes à chaleur, éolien …). Même si les Chambres de commerce et d’industrie recensent déjà près de 11 000 « éco-entreprises », il est très difficile en France, historiquement, de définir une politique industrielle délocalisée, s’appuyant sur l‘ensemble du tissu économique local. Cette toile économique est souvent méconnue, peu médiatique car jugée peu attractive au règne de l’audience, distante pour nos appareils d’Etat, car diffuse et diverse, forcément. Pourtant, le potentiel de création d’emploi, de proximité et donc moins délocalisable, y est plus important qu’ailleurs, et si l’opinion publique se montre sceptique voire critique envers les Entreprises, elles apprécie les entrepreneurs, ce qu’elle démontre en le devenant elle-même de plus en plus (le nombre de créations d’entreprises a pour la première fois dépassé le seuil des 300.000 en 2004 et se maintient à un niveau élevé), et le régime de l’auto-entrepreneur lancé le 1er janvier 2009 comptait déjà 145.000 adhérents le 20 avril, soit 3 mois et demi plus tard.

L’enjeu des prochaines années ne sera pas de préserver artificiellement les business models existants, mais de laisser les nouveaux se révéler et se développer. Quand tant d’entreprises se félicitent souvent d’être centenaires, se recommandent de leurs aïeuls, serons-nous capables demain d’être convaincus et séduits par une entreprise « créée il y a moins de 10 ans » ?

Les opportunités derrière les contraintes 

Les grandes entreprises bien sur s’adaptent à ce monde en mouvement. Dell a lancé, en 2004 déjà, le programme Reconnect. En partenariat avec Goodwill Industries, une fondation privée à but non lucratif. Les utilisateurs de la marque d’informatique déposent les matériels usagés dans les boutiques Goodwill. La fondation se sert des profits générés par le recyclage pour financer des initiatives d’aide sociale, notamment de réinsertion professionnelle. Le consommateur avec ce « don » bénéficie de réductions d’impôts, la marque fidélise ses clients, Goodwill replace un chômeur sur le marché du travail toutes les 53 secondes … et emploie 86 000 personnes … un autre triptyque intéressant du développement durable, non ? ; DIM se lance dans la fabrication d’un collant issu du recyclage. L’usage des polyamides et des teintures conventionnelles est totalement repensé, les consommatrices doivent être impliquées pour la récupération, et la partie non réutilisée pourrait même servir de nutriments pour les sols. Cette méthode, dite « Cradle to Cradle » (du berceau au berceau) est applicable également à hauteur d’une communauté urbaine. La ville de Velno aux Pay-Bas l’applique, et atteindra en 2012 son objectif de « zéro déchets » ; En rendant pour la première fois publique les chiffres de ses émissions carbone (20,8 millions de tonnes) Wal-Mart affichait simultanément de grandes ambitions écologiques (utiliser 100% d’énergies renouvelables, zéro déchets, produits éco-conçus …); Mc Donald’s ouvre ses nouveaux restaurants eco-conçus en Caroline du Sud avec 95% du bois utilisé respectent les normes internationales érigées par « The Forest Stewartship Council ». Les restaurants Mc Donald’s mettent en place depuis déjà quelques années de nombreux dispositifs de réduction d’impact environnemental (éclairage naturel, récupération des eaux de pluie, traitement des eaux usées, chargeurs pour voitures hybrides, géothermie, aérothermie, panneaux photovoltaïques, optimisation des emballages, collecte des huiles de friture usagée pour transformation en biodisesel …). En France, le restaurant de Plaisance du Touch en Haute-Garonne ouvert en novembre 2008 est représentatif de cette politique ; Dans un autre registre, Le jeu en ligne « World of Warcraft » consommerait à lui seul, et rien qu’en Chine, l’équivalent annuel de 3 centrales nucléaires. Il faut savoir en effet qu’un seul microprocesseur peut consommer de 100 à 200 wattheures. En conséquence, Cadence, le leader mondial des logiciel de conception des puces électroniques, a lancé le programme « low-power » pour optimiser la consommation électrique à chaque maillon de la conception. Irons-nous vers une « loi de Moore écologique » où après avoir doublé la puissance tous les 18 mois, il s’agirait désormais de diviser par deux la consommation nécessaire ? Les grands fabricants mondiaux (IBM, Dell, HP, Sun, Cisco …) ne peuvent pas imaginer un avenir qui ne soit pas « green IT ». Vous achèterez sans doute demain un jeu électronique doté d’un microprocesseur économe, et le législateur pourrait bien imposer une sorte de « limite de vitesse électronique » ; Mars Alimentaire, le n°1 mondial de la confiserie, a décidé de n’utiliser que du cacao équitable respectant les critères de développement durable pour fabriquer ses produits chocolatés d’ici à 2020 et a noué pour cela un partenariat avec l’organisation non gouvernementale Rainforest Alliance ; Le Groupe Cadbury, un autre géant de la confiserie, signait quant à lui un accord de certification avec Fairtrade ; EDF Energies Nouvelles a augmenté son chiffre d’affaire de 80% en 2008, son résultat net de 35% ; En 2008, les fonds spécialisés dans les clean tech y ont investi près de 12 milliards d’euros à travers 660 entreprises3, c’est 42% de plus qu’en 2007, 12 fois plus qu’en 2001, et surtout une évolution à contre-courant de la plupart des autres secteurs où la tendance est à la baisse. D’ailleurs, d’après Chausson Finance, les sociétés vertes ont dominé les 10 plus gros tours de table du capital-risque en 2008.

L’économie responsable est davantage dopée que freinée par la crise 

Compte-tenu du lien de plus en plus évident entre respect de l’environnement et efficacité économique, le développement de l’éco-économie n’est pas freinée par la crise, bien au contraire. Le seul effet ralentisseur aujourd’hui est engendré par la baisse générale du prix des matières premières traditionnelles (qui dans certains cas, réduisent l’avantage prix des matières recyclées versus les matières vierges, c’est notamment le cas pour le plastique recyclé actuellement). Mais, sans forcément appeler de nos vœux, comme le fait régulièrement Jean-Marc Jancovici, une augmentation rapide du prix du pétrole, cette tendance haussière repartira mécaniquement avec la reprise économique. D’autre part, il faut prendre conscience de la nouvelle vague de préoccupation grandissante derrière les enjeux environnementaux, celle des questions de santé publique liées aux pollutions et substances diverses. Si, par égocentrisme absolu, l’homme peut ignorer la santé de la planète, et imaginer qu’il peut vivre sans elle, il sera beaucoup plus sensible à sa propre santé. Le consommateur-citoyen revendiquera alors davantage ses droits lorsque la planète, elle, si elle a ses défenseurs, ne dispose ni de bulletin de vote ni de carte de paiement. D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, la préoccupation environnementale n’est pas un problème de pays riches comme on l’entend trop souvent, elle est plus forte auprès des opinions publiques des pays en développement … qui souffrent davantage des risques de pollution, notamment atmosphériques et aquatiques.

Le législateur imposera les évolutions non spontanées 

D’autre part, nous sommes désormais rentrés dans un cycle réglementaire qui impose aux acteurs de marché de muer. Quand le législateur s’en mêle, il impose le bonus-malus qui révolutionne le marché automobile, il impose la fin des lampes à incandescence, il conditionne la pérennité des centrales charbon à des procédés de captage-enfouissement de CO2, il interdira à la vente (UE, janvier 2010) tout appareil électrique consommant plus de deux watts en mode veille (un watt en janvier 2013), etc.

Les offres suivront, à l’instar de Watteco, une start-up du Var, qui développe une puce électronique capable d’éteindre pour vous vos appareils électriques si vous oubliez de le faire … bientôt « Watteco inside » sur les appareils de nos grands fabricants ? L’innovation technologique sera en effet une des clés, bien plus que la décroissance prônée par certains. Les process s’adaptent. Entre 1980 et 2000, le marché des boissons vendues en canettes a augmenté de 60%, et pourtant la consommation de matériaux vierges nécessaires à leur fabrication a diminué de 40%, et les émissions CO2 de 50 %.

Les attributs corporate, éléments de  différenciation face à un hyper choix générique 

Si des révolutions technologiques sont en marche, des révolutions culturelles s’imposent également, dans nos modes de consommation certes, mais aussi de communication et d’interaction. Regardons ce que nous vivons. Deux phénomènes sont à considérer comme absolument majeurs dans la mesure où ils incitent à définir un nouveau paradigme : crise écologique et crise financière. Ces phénomènes du début du XXIième siècle sont majeurs car ils nous révèlent notre « humanité », notre destin commun au sens de communauté d’hommes et de femmes, bien au delà des identités territoriales et nationales. Il existe de la porosité entre nos nations, nos vies, entre nos identités, nos aspirations, nos décisions. La crise financière a traversé l’Atlantique en 2008 comme certains nuages ont traversé les Alpes en 86, et des hommes ont brisé des murs en 89. Autrement dit, les frontières, malgré les nouvelles aspirations protectionnistes ambiantes, sont une espèce malmenée. La globalisation est aussi une forme de ré-humanisation dans le sens de la révélation de notre destin commun : « je manque de ce que tu gaspilles, je meurs de ce que tu pollues ». Depuis 5 à 10 ans, une tendance devrait alerter de manière obsessionnelle annonceurs et communicants, l’érosion récurrente de la confiance institutionnelle envers marques et entreprises.

Peut-être qu’à trop comparer dans les moteurs de recherche, nous sommes-nous fait piéger par cette fameuse « valeur d’usage », tant et si bien que nous nous retrouvons désormais face à un hyper-choix générique, sur lequel nous glissons, faute d’aspérités. Mais lorsqu’il s’agit d’intégrer dans les critères de choix les process en amont et les conséquences en aval, c’est-à-dire non directement à travers les attributs produits, ce sont les attributs corporate qui doivent porter et démontrer cette valeur ajoutée : « avant de me dire ce que tu vends, dis-moi d’abord qui tu es ». Mais attention, n’oublions pas que nous vivons des époques qui ne savent pas remettre en cause les acquis, des époques géologiques où les strates se superposent, attributs produits et attributs corporate, qui s’amplifient en rentrant en « résonance positive ». Il sera toujours difficile de vendre un mauvais produit, mais disposer d’un bon produit en terme de fonctionnalités ne suffira plus forcément si les attributs connexes comme la confiance corporate, l’éthique du process de production, la réassurance santé liée à l’usage, etc. ne sont pas au rendez-vous.

Après le consom’acteur, l’heure est venue au collabor’acteur  

Cette nouvelle économie a également des conséquences sur le marché de l’emploi. Si de nouveaux marchés émergent, ils doivent en conséquence faire appel à de nouvelles compétences. En parallèle, la recherche de convergence et d’équilibre entre citoyens et consommateurs se décline également entre citoyens et salariés qui cherchent dans l’exercice de leur métier à être en phase avec leurs aspirations personnelles. Après le consom’acteur, l’heure est venue au collabor’acteur, recherchant un besoin d’engagement individuel fort, tel que peuvent le vivre et le lire les responsables de recrutement à travers lettres de motivation et entretiens. Les valeurs citoyennes sont aussi désormais des valeurs indispensables des marques-employeurs.

Les cassandres alertant sur les dérives du modèle financier lorsque les ratios sur-performaient étaient inaudibles. Il ne s’agirait pas aujourd’hui d’ignorer les nouveaux modèles qui se dessinent. Mais attention, si l’inertie est utile en ligne droite, c’est une force dangereuse lorsqu’il s’agit de négocier un virage. Dans un tel contexte, la capacité à mobiliser l’interne, et à l’écouter en tant que partie prenante est essentielle. A l’heure des nouveaux défis, ne soyons donc pas xénophobes à l’égard de la différence et de la nouveauté. Le mix-économique est le corollaire du mix-énergétique qui s’impose. Si le monde politique devient multipolaire, le monde des modèles économiques également, avec de nouvelles formes d’activité, de nouveaux entrants, de nouvelles équations.  Mais accompagner le changement n’est pas chose aisée tant il est paradoxalement plus facile de trouver une idée nouvelle que de remettre en question une ancienne.

Alain Renaudin

Publié dans le journal La Tribune en novembre 2010