Le prix de l’essence ne doit pas baisser (edito août 2011)

16 août 2011:

Le baril de pétrole est descendu à $86. Une mauvaise nouvelle, dans une perspective écologique mais aussi économique. En effet, cela nous poussera à consommer plus de carburant, et nous incitera moins à nous focaliser sur son remplacement. Une transformation de la taxation pourrait permettre de garantir des prix fixes assez élevés pour inciter la recherche, et garantir un financement étatique de celle-ci.

En pleine crise politique et boursière, la baisse du prix du baril est annoncée comme une bonne nouvelle dans la tourmente. Au-delà du fait que sa répercussion ne sera pas immédiatement profitable à nos transhumances estivales, c’est une mauvaise nouvelle sur le long terme.

Avec un baril à 87 dollars (60 euros), nous sommes aujourd’hui très loin de son plus haut de l’été 2008 (près de 150 dollars) . Autrement dit, en euro, le prix du baril est 2 fois moins élevé qu’il y a trois ans. Si on constate sur les courbes de long terme une bonne corrélation entre le prix du baril et le prix à la pompe, on ne peut pas dire que l’essence coûte deux fois moins cher qu’il y a trois ans. D’autre part, il est bien connu que « perception is reality », et cette perception plus tenace que la démonstration des faits pousse les opinions publiques, c’est à dire nous, à considérer que les prix s’ajustent plus vite à la hausse qu’à la baisse.

Mais surtout, se réjouir de la baisse du prix du baril est un paradoxe écologique.Depuis plusieurs années de prise de conscience environnementale, beaucoup de pédagogie et de démonstrations ont été déployées pour inciter aux économies d’énergies et à la préservation des ressources naturelles, quelles qu’elles soient. S’il y a bien quelque chose qui devrait – raisonnablement – augmenter, ce sont bien les énergies fossiles, qui, contrairement aux apparences ont quasi stagné depuis 30 ans en monnaie constante. D’ailleurs la façon la plus simple de s’en rendre compte est de ramener cela à la rémunération nette d’une heure de SMIC : aujourd’hui à 7,06 euros nets de l’heure, vous vous payez environ 5 litres d’essence à 1,40 euro, soit 12 minutes de travail pour un litre lorsqu’il fallait 16 minutes de travail en 1980 ou encore 45 minutes en 1955.Comparativement aux évolutions des prix de l’immobilier, de la santé, ou de la baguette, le prix de l’essence a connu une tendance plus que raisonnable.

 

Les énergies alternatives et renouvelables ont besoin d’un pétrole cher

 

Les énergies fossiles représentent encore autour de 75-80% du mix énergétique mondial et sont bien sur fortement émettrices de gaz à effet de serre. Entretenir l’illusion d’une valeur bon marché, c’est décourager les énergies alternatives qui n’ont pas encore atteint leur niveau de performance et de rendement optimaux. Les énergies alternatives et renouvelables ont besoin d’un pétrole cher, pour une simple raison de compétitivité. Et nous avons besoin de développer ces autres sources d’approvisionnements, c’est une question de gestion de long terme et d’anticipation.

D’autre part, et même si cela est contre-intuitif, plus le pétrole baisse moins il y a de réserves (car il n’est pas rentable d’exploiter certains gisements), et inversement, un prix élevé augmente les réserves grâce à des exploitations rentables déclenchées par le niveau du prix du baril.

Si le prix de l’essence élevé est vertueux pour nos économies d’énergies en tant que consommateurs, c’est aussi la meilleure incitation à la recherche et au développement de motorisations et d’équipements moins énergivores. Si vous voulez des énergies alternatives et consommer moins au kilomètre, le prix de l’essence ne doit pas baisser. Entretenir le prix de l’essence à la hausse, c’est aussi prolonger les réserves par l’incitation aux économies, et préparer, sur de très longues échéances, la mutation énergétique nécessaire.

La prise de conscience environnementale s’essouffle aujourd’hui car c’est une préoccupation de long terme, quasi indolore, dépassée par des préoccupations beaucoup plus tangibles et anxiogènes au quotidien. Et parce que nous pouvons nous soucier d’environnement en tant que citoyen du monde, mais en tant que consommateur nous recherchons aussi l’intérêt et les bénéfices que nous pouvons en tirer. La préoccupation « intéressée » est sans doute encore plus efficace, et finalement pas forcément moins vertueuse ou moins morale. Ce sont aussi des enjeux qui sur leurs échéances longues connaissent des fluctuations qui peuvent paraître contradictoires.

 

Dégager des recettes supplémentaires pour l’Etat

 

Toutefois, lorsque le prix à la pompe augmente, le volume d’essence consommé diminue et les recettes pour l’Etat également car la principale taxe (TICPE – Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques) est fixe au litre. L’idée serait de maintenir une lente tendance haussière du prix à la pompe en empêchant de repasser des seuils à la baisse, en rendant variable la TICPE, en amortissant les fluctuations des marchés, et surtout en faisant bénéficier l’Etat de la baisse du baril. L’Etat pourrait ainsi engendrer des recettes additionnelles en cas de baisse des cours (les taxes compenseraient pour maintenir un prix stabilisé), amortir les hausses trop brutales, tout en continuant à inciter aux économies d’énergies pour accompagner la mutation énergétique de long terme.Cette « cagnotte pétrolière » à la baisse pourrait être utilisée pour investir dans les nouvelles énergies.

Alors bien sur, ce n’est bon ni pour le pouvoir d’achat ni sans doute pour l’incitation électorale, mais il est de la responsabilité du politique d’accompagner les mutations, de les inscrire dans le temps, sans qu’elles soient dictées par de brutales, intempestives, sans doute irrationnelles, fluctuations boursières telles que nous les connaissons ces temps ci.

 

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