USA USA !

EDITO 010 / 3 mai 2011

Au milieu de la nuit du 1er mai, une foule converge vers Time square, devant les grilles de la maison blanche. Il est 2h du matin, et ce sont de véritables scènes de liesse populaire, de joie, qui « fête », la mort d’un homme, d’un terroriste, Ben Laden.

« USA ! USA ! » scande la foule. Il ne s’agit pas de fêter la victoire à l’issue d’une phase finale de compétition sportive mondiale, mais une autre victoire, certains diront une vengeance, qui est aussi l’atteinte d’un objectif fixé, une délivrance, qui vient de la mort, certains diront l’exécution, d’un homme qui a lui-même ordonné la mort, l’exécution certainement, de tant d’autres.

On a beau connaître cette ferveur patriotique naturelle du peuple américain, nous sommes à chaque fois assez subjugués, interpellés, au fond de nous-mêmes assez admiratifs aussi de cette capacité de l’Amérique à se rassembler et à fêter sa bannière étoilée. Qui, voyageant aux États-Unis, s’aventurant au cœur de l’Amérique profonde, n’a pas été saisi par la multitude d’habitations dressant fièrement le drapeau national à leur fronton ? Tel Neil Armstrong sur le sol lunaire, le peuple américain aime arborer et revendiquer son étendard. Quelle autre nation à ce point ? Justice n’a pas été rendue, mais elle a été faite.

Conjuguez cette aptitude naturelle à faire corps derrière les couleurs, avec l’ampleur considérable et tout à fait unique du traumatisme vécu lors des attentats du 11 septembre 2001 (il faut s’en souvenir) et avec cette culture toujours présente de la justice expéditive et vengeresse des cow-boys du far west, et vous obtenez effectivement ces manifestations de liesse populaire. Des rassemblements et des « slogans » spontanés, donc sincères et authentiques, même s’ils peuvent interpeller et chahuter la conception plus normée et acceptable que nous pourrions avoir de l’exercice de la Justice par la plus grande démocratie du monde. Justice n’a pas été rendue, mais elle a été faite.

Une fierté d’appartenance collective d’autant plus impressionnante qu’elle s’exprime à l’égard d’un pays « dur » envers ses ressortissants, dont le système de protection sociale reste faible et fortement inégalitaire, qui prône un libéralisme dont on pourrait penser qu’il cultive l’individualisme et l’égoïsme. Une nation aimée qui est elle-même sans doute le plus grand melting pot du monde, donc la plus diverse et bigarrée à l’heure où nous sommes convaincus qu’intégrer l’autre et la différence engendre perte de repères et de culture. Une nation jeune, très jeune comparée à nos siècles d’histoire qui pourraient constituer le socle et la condition d’une forte identité commune. Une nation développée et riche (de façon très inégale certes), qui pourtant ne s’embourgeoise pas, qui cultive ce fort esprit de compétition et cet inépuisable esprit pionnier.

La religion de l’Amérique, c’est l’Amérique. Une unité sur un socle de diversité.