De l’utilité de l’impôt

impots

Première édition le 28/10/2013 – MàJ 01/02/2017 

Quand l’impôt tue … 

Impôts sur le revenu, tva, quotient familial, allocations familiales, déductions liées aux lycéens et étudiants, impôts locaux, … tout augmente, tout est bon à ponctionner. « Les Français doivent faire des efforts », cette rengaine répétée en boucle par des politiques (dont l’opinion publique est convaincue qu’ils ne font pas d’efforts – eux) est insupportable, comme si la vie jusqu’alors été faite de luxe, de volupté et d’inconscience. « Il faut réduire le déficit » … mais le déficit n’est pas uniquement budgétaire, c’est aussi et surtout un déficit de crédit politique: 90% de défiance, 10% de chômage, 0% de croissance, 100% de déficit: un déficit chronique de solutions pour répondre aux enjeux sociaux et économiques qu’aucune politique publique ne semble enrayer. Ce n’est pas le taux d’endettement qui pose problème mais le bien fondé de la ponction et de l’usage de l’argent public

Il convient de s’interroger sur l’utilité du prélèvement public.

Depuis plusieurs années, la colère gronde. Des TPE « pigeons » aux frasques des « exilés fiscaux » en passant par les phobies administratives et fiscales de nos gouvernants exemplaires, les coups de gueule des petits entrepreneurs (qui font plus de bruit que les grands patrons), ou encore des révolutionnaires bretons aux bonnets rouges de colère, les affaires de fiscalité ont fait couler beaucoup d’encre et créé beaucoup d’amertume et de défiance. Evidemment, les emplois fictifs présumés des leaders politiques actuels (plusieurs sont concernés) n’arrangent rien à l’affaire et ne sont surtout qu’un nième signal envoyé à une opinion publique déjà convaincue. Tellement convaincue qu’elle en devient désabusée, donc prête à tout. Le point de non retour à l’entendement fiscal a été dépassé. Et pourtant … tout semble continuer « as usual », la France compte désormais 2000 milliards de dette publique et un déficit de 100% de son PIB. Tel l’élève qui clame, comme pour se débarrasser de la conversation, qu’il a tout compris, et qui inlassablement refait les mêmes erreurs. Notre seul professeur, c’est la réalité, et certains se croient supérieurs au maître.

Les lignes politique et les dogmes ne bougent pas, au contraire des sièges sociaux, des investissements, des résidences fiscales et des jeunes qui, eux, sont libres de leurs mouvements. Dans le silence, les « petits » patrons désespèrent et s’essoufflent, et les « petits » employés (c’est-à-dire l’assiette fiscale) voient leur pouvoir d’achat se comprimer entre d’une part l’inexorable inflation des taxes publiques et des dépenses contraintes, et d’autre part la stagnation, voire la diminution, de leurs revenus. C’est l’étau fiscal.

La pression sur le pouvoir d’achat s’amplifie à mesure que la dépression politique s’installe. Le sport national devient celui de l’échappatoire, tel le gibier traqué, on fuit, on défiscalise, on évite, on esquive, on paye et on encaisse au noir (ceux qui peuvent), en attendant d’être aux abois, l’hallali, et finalement la curée. Le problème pour l’Etat, c’est que le gibier devient rare et maigre !  

Derrière ces mouvements, ces coups de gueule, ces cris d’alarme, on commente et on juge à foison le manque de patriotisme et l’égoïsme de certains, ou à l’opposé le caractère confiscatoire de la ponction fiscale. Quoi qu’il en soit, on ne supporte plus ce fossé entre l’effort d’un côté et la gabegie irresponsable de l’autre. 

Du côté des entreprises comme des particuliers, les frêles embarcations ne peuvent être transformées en porte-containers fiscaux.

Au-delà du « ras le bol », il faut aussi entendre « à quoi bon » : la question plus profonde, plus gênante aussi, ne concerne pas qui l’on croit, les assujettis, mais également les gestionnaires. On oublie trop souvent que l’acceptation de la privation, ou disons l’effort de solidarité, est directement lié à l’efficacité perçue de l’usage, du bon usage, de ce qui est donné et payé. C’est la valeur d’usage qui compte. Un bien n’est pas cher ou bon marché en soi, mais au regard du service rendu. La remise en cause des diverses charges, impôts et taxes constituant l’ensemble des prélèvements obligatoires n’est pas à chercher uniquement du côté de leur taux, de leur seuil d’acceptation, ou d’une volonté de repli sur soi pour « garder pour soi », mais aussi et surtout de leur efficacité perçue. Face à ce déficit désormais chronique de solutions, il est « normal » de s’interroger sur l’utilité du prélèvement public. Nous en arrivons finalement à une situation d’apparence inextricable, celle de besoins sociaux croissants en raison de la dureté de la crise, nécessitant toujours plus d’argent public à prélever sur des contributeurs de plus en plus contraints, et sans pour autant résorber les maux sociaux initiaux. La dépense publique davantage pansement que remède ne laisse depuis des années pour seul recours que celui d’allonger l’ordonnance. L’Etat n’est pas aujourd’hui uniquement en faillite comptable, il est aussi en faillite de confiance et de solutions viables, pérennes, efficientes, c’est aussi pour cela que l’on rechigne à lui « donner » et à répondre à son diktat. L’Etat souffre du discrédit du médecin sans remède, multipliant les examens, allongeant les ordonnances, facturant des diagnostics reculoirs plutôt que des guérisons.

Cette République du fisc entretient un Etat bourgeois et obèse aux allures de cardinal d’un autre temps.  

Dès lors, la question n’est plus uniquement celle, qui semble vaine, de la réduction de la dépense publique ou de l’augmentation des recettes, mais celle de l’efficacité de l’euro public, sa capacité à créer de la valeur ajoutée sociale. Augmenter l’efficacité, le rendement, de la dépense publique, c’est le seul moyen de pouvoir la réduire, et donc de relâcher la bride. Cette question se posera d’autant plus impérativement que recettes et dépenses publiques se réduiront. C’est l’efficacité marginale supplémentaire qui doit impérativement progresser, c’est de la pure arithmétique. Cette efficacité publique perçue, légitime, éthique, est centrale pour rendre les prélèvements acceptables.

Ce qui justifie la solidarité, au delà de sa vertu morale, c’est le service rendu par la solidarité, le mieux-être produit.

Lorsque vous donnez à une association, vous êtes sensible à sa cause, vous lui faites confiance, vous êtes convaincu du bon usage de l’argent, vous connaissez à peu près les résultats obtenus et les jugez satisfaisants. Lorsque vous achetez en tant que consommateur, vous attendez à « en avoir pour votre argent ». Lorsque vous confiez vos enfants à l’Education nationale, vous attendez d’elle qu’elle les forme et les éduque, à une école qu’elle les prépare à un métier. Il en va de même pour les impôts et les taxes, ce ne sont pas des chèques en blanc, ils engagent aussi, et surtout, ceux qui les reçoivent, qui doivent en assurer une utilité maximale.

Si les Français doivent faire des efforts pour payer davantage, l’Etat doit en faire tout autant pour en mériter davantage.

L’impôt n’est pas un dû exigible sans contrepartie par des pouvoirs publics souvent zélés comme juges de morale et de bonne conscience. C’est sûrement un devoir de solidarité pour le contributeur, certainement un devoir de résultat pour le bénéficiaire gestionnaire.

Augmenter l’utilité publique est le seul enjeu, et la seule question de solidarité sur laquelle tout le monde sera d’accord, et gagnant. Méritez nos impôts !

Une pensée sur "De l’utilité de l’impôt".

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